L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo acquitté des crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale a enfin rompu dix ans de silence hier lors d’un entretien exclusif accordé à la chaine francophone TV5 Monde. Sans langue de bois, l’ancien prisonnier de la Haye déclare, entre autres, que ce qui attend la Côte d’Ivoire au lendemain du 31 octobre est la catastrophe en raison du non-respect de la constitution par son successeur Alassane Ouattara.
Je me porte bien depuis mon acquittement en janvier 2019, a laissé entendre Laurent Gbagbo en début d’entretien avec Denise Epoté, journaliste de la chaine francophone TV5 Monde. Son silence, peut-on retenir, est le choix d’un ancien prisonnier qui se réserve le droit de ne parler qu’une fois chez lui. Mais cette possibilité est désormais écartée pour l’ancien président ivoirien à qui on a refusé un passeport et un laisser-passer pour retourner à Abidjan après une dizaine d’années d’absence.
Mais Laurent Gbagbo juge indispensable sa prise de parole au regard des évènements qui marquent la présidentielle de ce 31 octobre. Je vois que les querelles nous amènent dans un gouffre et en tant qu’ancien président, ancien prisonnier de la CPI, si je me tais ce n’est pas responsable.
Laurent Gbagbo, âgé de 75 ans et actuellement à Bruxelles depuis son acquittement devant la CPI a sans ambages condamné le troisième mandat d’Alassane Ouattara. Je suis résolument dans l’opposition, a martelé Laurent Gbagbo qui ajoute que le président Alassane Ouattara a manqué d’élégance à son égard. Mais cela importe peu, laisse entendre Gbagbo. Pour lui c’est la Côte d’Ivoire qui compte et les échauffourées en cours dans le pays est la conséquence du non-respect des textes que les ivoiriens eux-mêmes se sont proposés. Laurent Gbagbo explique donc qu’il comprend et partage la colère de la rue. Je pense que l’un des problèmes politiques en Afrique, c’est que l’on écrit des textes sans y croire. Si on écrit une chose et on en fait une autre, on assiste à ce qui arrive en Côte d’Ivoire aujourd’hui, se justifie-t-il. L’ancien président ivoirien, affichant une sérénité impressionnante a appelé au dialogue, pas qu’avec les ténors de la scène politique qu’ils sont, lui et les deux autres, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, mais avec l’ensemble de la classe politique qui s’est désormais élargie. Ses craintes sont énormes et si rien n’est fait, par son successeur, même à la dernière seconde, la crise post-électorale en Côte d’Ivoire sera encore plus meurtrière.