Les Nations unies, l’Union africaine et la Cedeao ont invité ce mardi les acteurs politiques ivoiriens à la retenue et au dialogue après la publication des résultats provisoires de la présidentielle qui donnent Alassane Ouattara vainqueur avec près de 95 pour cent des voix. Un dialogue devenu indispensable selon des observateurs politiques qui craignent une impasse totale en Côte d’Ivoire avec la réélection contestée d’Alassane Ouattara et l’annonce d’un gouvernement de transition par l’opposition.
Un conseil national de transition est installé à Abidjan au lendemain de la présidentielle du 31 octobre par les partis politiques de l’opposition qui ont boudé ce scrutin qualifié de coup d’Etat institutionnel et constitutionnel.
Dans une déclaration lue par Pascal Affi N’Guessan dans la nuit du lundi à Abidjan, le CNT est présidé par le leader du PDCI Henri Konan Bédié à la tête de la contestation contre la candidature validée et la réélection proclamée d’Alassane Ouattara.
Cette annonce n’est pas du goût des autorités ivoiriennes qui ont annoncé, après la publication des résultats de l’élection tôt le mardi, des poursuites judiciaires contre les responsables de ce conseil national de transition. La veille, des coups de grenade et des tirs de balles sont entendus près des résidences de Pascal Affi N’Guessan, Henri Konan Bédié et d’autres responsables de l’opposition.
Les forces de l’ordre font le guet au domicile d’Henri Konan Bédié
Le gouvernement ivoirien a saisi la justice contre les opposants qui ont appelé à la désobéissance civile et ont installé le conseil national de transition censé offrir les conditions d’organisation d’une nouvelle élection présidentielle apaisée et inclusive. Une décision avec effet immédiat puisqu’après la prise de parole du ministre ivoirien de la justice, des pick-up, plusieurs cargos sont envoyés à la résidence d’Henri Konan Bédié désigné président du CNT. Toute la journée d’hier, les hommes en uniforme ont assiégé le domicile de l’ancien président ivoirien sans réussir à lui mettre la main dessus. Sa garde rapprochée s’y est opposée, d’après notre correspondant Jean Mélaine Bitty qui raconte que les hommes d’Henri Konan Bédié ont promis de riposter en cas de contact direct avec leur leader. Les autres leaders de l’opposition, notamment Pascal Affi N’guessan a lui aussi vu les forces de l’ordre fait le guet autour de son domicile
L’ONU et ses partenaires appellent à la retenue et au dialogue
Les Nations Unies, l’Union africaine et la CEDEAO n’ont pas tardé à réagir face aux évènements qui se succèdent en Côte d’Ivoire et laissent planer une psychose dans le pays.
Dans une déclaration conjointe, les trois organisations disent avoir pris note des résultats de la présidentielle donnant Alassane Ouattara vainqueur et appellent ceux qui ont annoncé la vacance de pouvoir en mettant en place le CNT à « revenir sur leur décision » et à « respecter l’ordre constitutionnel » tout en privilégiant le dialogue pour résoudre tout différend
La Côte d’Ivoire souffre de l’inculture historique de ses acteurs politiques, CiAAF Bénin
La veille de l’élection du 31 octobre, Laurent Gbagbo ancien président ivoirien et ancien prisonnier de la CPI dit craindre la catastrophe pour la Côte d’Ivoire si les autorités s’entêtaient à organiser les élections. Des propos relayés par les médias du monde d’autant que Laurent Gbagbo n’a plus pris publiquement la parole depuis qu’il est envoyé à la CPI pour crimes contre l’humanité. Après son acquittement devant la justice de la Haye, le leader du FPI est resté muet avouant lors de son interview sur TV5 Monde qu’il avait préféré ne parler que lorsqu’il sera de retour en Côte d’Ivoire. Mais la scène politique agitée « m’oblige à prendre la parole ». Une prise de parole au cours de laquelle celui qui se présente tout souriant ancien prisonnier de la CPI a subtilement attaqué son adversaire en 2010 Alassane Ouattara. L’actuel président ivoirien a d’ailleurs manqué d’élégance à son égard, laisse entendre Laurent Gbagbo. Mais en plus d’élégance, Alassane Ouattra, comme d’autres leaders africains, souffrent d’une inculture de l’histoire selon le politologue béninois Expédit Ologou.
Vous avez des acteurs politiques qui ont traversé l’histoire du pays mais qui n’ont pas une culture historique. M. Ouattara a traversé l’histoire au moins des quarante dernières années de la Côte d’Ivoire mais après tout ce que M. Ouattara a pu faire vous avez l’impression qu’il n’a tiré aucune leçon de l’histoire de la Côte d’Ivoire dont il est un acteur majeur, analyse le directeur de Civic Academy for Africa’s Future, Expédit Ologou.
L’impasse est totale et les germes d’une nouvelle crise en Côte d’Ivoire sont évidents. Seul le dialogue et la capacité des dirigeants ivoiriens à aller au-delà des antagonismes permettront au pays d’éviter de sombrer dans une nouvelle crise beaucoup plus meurtrière que celle de 2010, soutiennent plusieurs observateurs.